Transistors au germanium : Propriétés sonores


Il y a bien un « son germanium », et il convient particulièrement à l’amplification des instruments avec un léger overdrive. Les transistors au germanium apportent une chaleur et un grain aussi plaisants à l’oreille que celui des lampes, sans pour autant sonner pareil. L’impression de chaleur est à peu près équivalente (pour les mêmes raisons, d’ailleurs, en particulier l’effet Miller qui atténue dynamiquement les hautes fréquences). Le grain sonore du germanium sonne en général un peu plus « brun » que celui des tubes, et bien moins plat que celui du silicium…
En préamplification et autres overdrives, les transistors au germanium permettent de bénéficier des facilités de la technologie à transistors, tout en se démarquant de la rigueur neutre du silicium. Plus radicalement, il s’oppose à la sonorité sèche ou pharmaceutique de la majorité des circuits intégrés.

Après des années de tests et d’expérimentations, je suis en mesure d’en préciser des paramètres caractéristiques, et heureux de partager cette connaissance que j’applique dans les circuits qui sont présentés sur ce site : des circuits pour faire plaisir aux guitares.


Transistors au germanium - ampli 10W

Prototype d’ampli 10W tout transistors russes au germanium.


Les transistors au germanium
ont un gain modéré, comme les tubes.

Du fait du gain modéré des transistors (β rarement supérieur à 120), on fait généralement fonctionner les circuits au germanium avec un faible taux de contre-réaction.
Par conséquent, les préamplis et les overdrives au germanium passent très souplement d’un son pur à un son légèrement saturé, rien qu’en jouant avec les réglages ordinaires de volume et de tonalité. Cela donne au son une organicité dans le passage en overdrive que n’ont pas naturellement les circuits aux silicium : leur gain élevé nécessite une vigoureuse contre-réaction, avec pour conséquence un son objectivement plus fidèle, mais sec à l’écoute et passant brutalement en overdrive quand on les pousse.


Une courbe de saturation
avec un knee arrondi

L’entrée en saturation se caractérise par un écrêtage de la partie extrême du signal. On appelle knee (le coude en français !) la portion de courbe qui raccorde la partie non distordue du signal et le plateau de la zone écrêtée… Les transistors au silicium ont un knee très rapide, presque anguleux (« hard knee »), ce qui explique leur saturation sèche, qui fait à l’oreille comme des croûtes de pain sec dans le lit !
Les transistors au germanium présentent au contraire un knee plus doux (« soft knee »).
Ceci donne une tonalité plus ronde à toutes les saturations, de l’overdrive à la grosse fuzz.
Sur ce point, les transistors au germanium s’approchent des tubes.


Germanium vs Silicium - gain and knee

• Signaux de sortie de deux fuzz LikeYourFace, version au germanium et version au silicium…
Dans chaque oscillogramme, la courbe germanium est en haut, la courbe silicium en bas.
L’écran de droite présente une échelle X du temps élargie.
Les deux fuzz ont leur pot « fuzz » à fond, et leur signal d’entrée est de 1kHz, 30mV.
• Le modèle germanium a un gain inférieur (fronts du signal moins raides) mais surtout :
il montre un knee plus arrondi, particulièrement visible sur l’image élargie à droite.


Un produit
gain × bande passante limité

Normalement, plus ce produit est élevé, et plus le transistor amplifie beaucoup et vite.
Ce n’est pas le cas des transistors au germanium destinés à l’audio. A pleine utilisation, ils sont tout juste capable d’offrir tout leur gain à un signal de plus de 5KHz.

Ce défaut devient une qualité en amplification guitare.

On ressent comme un effet de chaleur organique. Les transistors au germanium agissent comme un filtre actif, car plus on les pousse et plus ils adoucissent leur réponse : Le son germanium ne défrise jamais l’oreille !

On notera que si l’on désire une bande passante allant plus haut dans l’aigu, on peut toujours utiliser des transistors au germanium de type radio-fréquence :
Ils amplifient aisément au-dessus de 20 KHz, tout en conservant une certaine douceur quand on les pousse en saturation.

Souvent, les circuits au germanium font du bien aux amplis modernes

Les amplis old school (les Vox AC15, les premiers AC30, les Marshall 45W et les Fender tweed) étaient généralement dépourvus de boost d’aigus.
Les fuzz ou les préamplis au silicium des 70s pouvaient alors apporter une brillance à ces amplis naturellement un peu sourds.

Aujourd’hui, les amplis ont au contraire un canal clair dopé en aigus.
Les fuzz au silicium, par exemple,  vont souvent sonner trop tranchantes sur ces amplis.
A l’inverse, les Fuzz au germanium, qui sont plus rondes, y seront à leur avantage :  Les amplis modernes  sonnent de manière plus subtile quand ils sont précédés de circuit au germanium. Idem pour le crunch et l’overdrive léger, et tant pis pour le léger souffle.


Des courants de fuite
qui font de « bons défauts »

A l’intérieur du cristal de germanium, des courants de fuite se superposent aux courants utiles qui portent le signal musical, et ils les affectent selon leurs flux. C’est un peu comme le vent qui s’infiltre dans une rue, et vient perturber la démarche des passants…
Objectivement, ces défauts ont été à l’origine de l’abandon du germanium : ils causent le bruit de fond, et surtout faussent ou déstabilisent les montages, contrairement au silicium qui est d’un silence et d’une fixité impressionnants.
Les courants de fuite font pourtant partie intégrante de la technologie germanium et des phénomènes sonores qu’elle entraîne… Quand ils sont limités et bien maîtrisés, les courants de fuite peuvent devenir de « bons défauts » et causer des effets sonores perçus comme agréables.

Ils sont à l’origine d’effets de compression dynamique

Ces effets de compression suivent le jeu du guitariste avec fluidité. Cela avait déjà été remarqué à l’époque des premiers circuits d’effet comme les fuzz, ou les boosters d’aiguës genre Rangemaster d’Arbiter ou Screeming bird d’Elektro Harmonix. J’ai personnellement réintégré et développé ces effets dans mes préamplis SweetGerm et CurvyMama.

Une compression générale arrondit les passages les plus vifs, et fait remonter doucement le niveau des notes tenues… C’est sensible et plaisant dans les préamplificateurs et dans les fuzz, et c’est ce qui a fait le succès des classiques OC75, OC81D et AC128…

Un deuxième effet dynamique s’ajoute, moins marqué et pas systématique.
Il se rapproche de la comparaison avec la rue ventée : le niveau du signal a tendance à se gonfler et dégonfler légèrement en fonction des coups de mediators, des power chords, comme si on avait affaire à un expanseur ou un filtre d’enveloppe réglé doux et avec un léger délai. Cet effet est plus sensible quand le son guitare est cristallin, en particulier sur les position intermédiaires des sélecteurs de micros.

La cause technologique me semble la suivante :

A chaque instant, le signal sonore se traduit en variations de courants dans le cristal de germanium. A l’échelle microscopique, ces variation de courant causent des micro-variations de la température à l’intérieur du cristal.
Hors, le germanium est très sensible aux variations de température… Par conséquent, les courants de fuites ET le gain varient continuellement en fonction du signal qui traverse le transistor : cela module sa dynamique (expansion et compression), l’éventuel passage en saturation (variations du grain, effet « liquide »), et la tonalité (effet Miller filtrant les aiguës en fonction du gain).
Ces variations sont d’autant plus sensibles qu’elles ne sont pas instantanées : les  montées et redescentes de température s’opèrent avec un délai de quelques dizaines de millisecondes… Ce délai, comme dans les compresseurs ou les filtres d’enveloppe, donne une impression de « massage » du son, qui va être non seulement repérée objectivement, mais ressentie comme une sorte de respiration, vivante et agréable.
La propension des matériaux à posséder des défauts pouvant être à la source de qualités sensorielles et esthétiques m’a toujours fasciné… Avec l’expérience, j’ai appris à m’approprier et exploiter techniquement ces bons défauts des transistors au germanium… Pas de tous, hélas. Certains transistors au germanium sont aussi atones que ceux au silicium, et d’autres restent incontrôlables. Il faut connaître et trier : On est bien loin du clonage à l’aveugle si l’on veut vraiment exploiter la technologie germanium, et c’est ce que je revendique pour mes réalisations.


Au-delà de la mode…

Je ne savais pas tout ça à quatorze ans, quand je démontais mes radios et tentait de récupérer mes premiers transistors Black Glas… Mais peut être m’est-il resté en mémoire des sensations sonores, redécouvertes et analysées bien plus tard, à l’aube des 2000s…

En tous cas le germanium, ce n’est pas un snobisme chez Guitar Poppa.
C’est une manière de faire vivre le son, que je vous propose dans certaines réalisations.


Transistors NOS au germaniums, européens et russes, dans mes réalisations.



Mes réalisations utilisant
la technologie germanium

Samples disponibles sur chaque page-produit

Sweet Germ, préampli pour guitares et basses

CurvyMama, préampli pour harmos

MicroCombo1W, un tout petit ampli bien couillu.

MicroCombo3W, son grand frère.

LikeYourFace, fuzz classique à deux transistors 

Me contacter pour plus d’informations

dernières éditions : 9 janvier 2016, 10 avril 2016, 1er janvier 2018…

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