Overdrives type TS9 – 2

Les diodes de contre-réaction

Overdrives, TS808, TS9

Overdrives type TS9 - The scream, JRC4558D, diodes silicium 1N914

En haut : circuits principaux d’une TS9.
En couleurs : Le premier étage d’AOP et les composants de la boucle de contreréaction.

Ci-dessus : un JRC4558D et les diodes 1N914 dans mon overdrive The[S]cream basic.


Repères préalables :
l’AOP et son circuit de contre-réaction

• Les AOP possèdent deux entrées dont les fonctions sont différentes.
– une entrée dite non inverseuse (+) qui reçoit et traite normalement le signal.
– une entrée dite inverseuse (–) qui inverse les informations : L’AOP les reçoit comme des contre-informations à soustraire de celles qui arrivent par l’entrée non inverseuse.

• Tout composant connecté entre la sortie de l’AOP et l’entrée inverseuse assure une fonction dite de contre-réaction (negative feedback) : il réinjecte en négatif dans l’AOP une partie de ce que celui-ci vient de produire. L’effet de ce bouclage dépend des composants :
Une résistance comme le potentiomètre de drive limite le gain global de l’étage; les diodes écrêtent le signal ; un condensateur comme le 51p limite la bande passante…

Le potentiomètre de drive

• Son effet de contre-réaction limite le gain de l’AOP à la valeur désirée.
– Plus sa résistance est faible et plus le gain est bridé (au minimum 1x si à zéro).
– Plus sa résistance est grande, et plus le gain est élevé (au maximum 100x, pot à fond).
Une résistance-talon de 51kΩ insérée en série permet de conserver un niveau de sortie exploitable (gain minimum nécessaire de 10x) quand le potentiomètre est à zéro.

Le réseau de diodes

• Les diodes sont couplées par paire et connectées tête-bêche  :  Le réseau ainsi constitué est équivalent à un composant unique opérant sur signal alternatif…
On va voir ci-dessous que son effet est de dessiner la forme saturée du signal d’overdrive.

Bandeau fin gris moyen - L15

Overdrives à diodes :
Principe  du fonctionnement et rendu sonore

• Les diodes exercent une contre-réaction qui n’est pas constante. Elle augmente en fonction de l’amplitude du signal sonore, et dépend d’un paramètre technologique : leur seuil de conduction (0,2 à 1,8V selon les types de diodes utilisés).

• Si le signal arrivant au réseau n’atteint pas ce seuil, le réseau reste bloqué et n’exerce aucun effet.

• Si le signal dépasse ce seuil, les diodes deviennent conductrices et entrent en contre-réaction à mesure que le signal se renforce. Le gain de l’étage est alors bridé en temps réel, ce qui tasse les crêtes du signal en  dessinant une forme  saturée arrondie typique.

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Signal sinus pur                                    Crunch léger                                       Overdrive.


Son clean

Quand le gain est faible et le niveau d’entrée modéré, l’AOP travaille fidèlement ou presque, et produit un son pas ou très peu déformé.

Effets crunch et dirt

Quand le gain ou le signal deviennent plus conséquents, les crêtes du signal peuvent atteindre la tension de seuil. Le réseau devient alors conducteur et engendre l’effet de saturation. Les crêtes les plus fortes vont alors êtres instantanément atténuées, tandis que les portions à niveau modéré resteront intactes. Cette saturation répond donc surtout aux attaques, au accords plaqués ou aux power chords…
Avec un pré-filtrage medium ou medium-aigu, on obtient un effet de crunch. Si la bosse descend plus dans le bas medium, on obtient alors un effet plus sombre : le dirt.

Effet overdrive proprement dit

Quand le gain est plus poussé, les diodes sont actives sur la plus grande partie du signal, hormis à la base des alternances, ou lors des passages musicaux les plus retenus.
On obtient alors au sens propre un overdrive : le signal est saturé dans son ensemble. Cette saturation par diodes en contre réaction reste fluide et plutôt douce même lors de fortes surcharges. (cela se voit à l’oscilloscope : les crêtes et le knee en-dessous restent arrondis, et non pas trapézoïdaux ou carrés comme dans le cas des fuzz et des distos).

Bandeau medium rouge - L15

Différentes sortes de diodes,
et leurs propriétés sonores

Les diodes de contre-réaction saturent différemment selon leur famille technologique.

Diodes au germanium

Leur tension de seuil est faible : 200 à 250mV.
Leur passage en conduction est précoce et très progressif.
La saturation vient donc à faible niveau et en douceur, avec une dynamique resserrée.
Le grain est peu rugueux et sans crunch :

Cela sonne plus compressé que saturé.

Ces diodes sont peu utilisées, et c’est dommage car elles  peuvent simuler la compacité douce et chaude, légèrement grainée, des vieux amplis de basse à lampes.

On peut desserrer la dynamique en remplaçant les diodes uniques par des séries de 2 ou 3. Les seuils de conduction s’ajoutent, ce qui évite un excès de compression et une diminution du niveau de sortie, tout en profitant de la progressivité typique de ces diodes.

• Les diodes au germanium ne sont plus très courantes, leur prix dépasse souvent celui des diodes silicium et des leds rouges, qui, elles, sont banales.
Tous les modèles conviennent, sans différence particulière dans le rendu sonore.
Quelques modèles américains et européens courants : 1N34A, 1N60, OA91, OA95, AA118…

Bandeau fin gris moyen - L15

Diodes au silicium

• Elles ont un seuil de conduction moyen, de 600mV, et une transition assez rapide,

Elles produisent des crunchs, des dirts ou des overdrives qui sont à la fois réactifs et homogènes, faciles à jouer et à mixer.

Le grain peut être touffu avec un drive poussé, mais il reste toujours égal, moins brumeux que l’effet fuzz, et moins « râpe à fromage » que celui des distos. Ce comportement à la fois typé et sage en a fait le succès.
Leur réputation vient aussi du fait que leur signal se prête bien aux filtrages de tonalité : les mêmes circuits de base peuvent aussi bien sonner bushy et sombres à la mode des 70s, cruncher avec vivacité comme depuis les 90s, ou se voir juste éclaircis à la mode de Stevie Ray Vaughan…

• Toutes les diodes au silicium fonctionnent parfaitement, mais donnent des textures légèrement différentes à réglages identiques. J’utilise personnellement trois modèles :
1N4148 est un modèle passe partout. 1N4448 donne une texture plus rugueuse et « brune », et convient bien aux effets dirt.  1N914 donne une sonorité plus fluide, qui valorise un  jeu de guitare délié, sans appuyer. C’était le modèle original des TS808/TS9.
Mes potes bluesmen les apprécient dans The [S]cream…

• On peut combiner un réseau germanium et un réseau silicium, afin d’arrondir plus ou moins le grain bushy des diodes silicium. Le réseau germanium doit alors comporter des séries de deux diodes pour ne pas trop écraser la dynamique…

Bandeau fin gris moyen - L15

Diodes LED (Light Emiting Diodes)

Le fait que ces diodes émettent une lumière colorée quand elles sont traversées par un courant ne change en rien leur nature de diode…

• Elles se caractérisent par un seuil élevé qui dépend de leur couleur (pas de leur taille).
– Rouges : 1600 à 1800mV — les plus adaptées aux montages genre TS9.
– Vertes : 1800mV ou plus selon les nuances et la technologie. A essayer éventuellement.
– Jaunes : autour de 2000mV selon les nuances et la technologie. Seuil un peu trop élevé.
– Bleues : de l’ordre de 3V. Difficilement attaquables par un circuit alimenté en 9V.

Les leds conservent une importante headroom* non saturée, qui respecte mieux les couleurs de l’instrument ainsi que le jeu des doigts et du médiator. L’overdrive vient saturer par-dessus, avec un grain assez franc. L’impression d’ensemble est à la fois nette et crunchy.

• On perçoit en même temps la part naturelle du son et sa part électrique, avec une dynamique qui se dégage du son tassé des 70s. Si en plus on débride le filtrage des aiguës typique des TS9, les leds expriment alors toute leur couleur…
La headroom, la rapidité, la large bande de fréquences permettent de s’approcher de manière crédible du rendu des Fender Black Face un peu poussés, et pour pas cher !
Les guitaristes de blues classique apprécieront cette aération sans perte de bottom.

On notera que les courants de contre réaction passant dans les leds sont en généralement tellement faibles que les leds ne s’illuminent pas, sauf gain et niveaux aux taquets…

Dans The Scream version ***, je mixe un réseau silicium à un réseau de leds, afin de doser l’overdrive entre le grain plus dense du silicium, et la texture plus vive des leds…


(*) Headroom : littéralement espace pour la tête… De quoi respirer.
En électronique : la marge dynamique disponible de signal pur avant saturation.

Bandeau fin gris moyen - L15

Comparaison de l’overdrive des leds et des diodes silicium

Soient deux circuits type TS9 équipés l’un de diodes silicium, l’autre de leds rouges. Ils reçoivent le même signal sinusoïdal, et leurs gains sont réglés de manière identique…
En bas, on voit le circuit silicium overdriver relativement vite et écraser sa dynamique.
En haut, le circuit à led reste clair plus longtemps, puis overdrive franchement avec une forme d’écrêtage quasiment identique à celle du silicium, mais à haut niveau.

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1. Niveau 50mV, gain minimum. Le signal est inchangé dans les deux cas.
2. Niveau 100mv, gain modéré. Le signal sous led reste clair, les diodes saturent un peu.
3. Niveau 100mV, gain moyen. Les diodes saturent franchement, les leds à peine…
4. Niveau 100mV, gain poussé. Les diodes saturent fortement, les leds les rejoignent.

Bandeau rouge épais

Pour en savoir plus :

Technology of the Tube Screamer (article de fond américain par RG Keen)

Overdrives de type TS9 : l’ampli Opérationnel (article technique)

The[S]cream, un overdrive évolué par Guitar Poppa

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